L’avis du mort
Nasr Eddin monta un jour sur un arbre, s’assit sur une branche et commença à la couper. Un passant l’aperçu d’en bas et lui cria :
— Hé ! L’ami, sais-tu que tu tomberas en même temps que la branche que tu vas séparer de l’arbre ?
Nasr Eddin ne répondit rien, continua à couper et tomba avec la branche. Il se mit à courir après l’homme qui s’éloignait.
— Hé, l’ami, lui cria-t-il, puisque tu as prévu quand j’allais tomber, tu dois sans doute aussi pouvoir me dire quand je vais mourir ?
En disant cela, il l’avait saisi entre ses bras. Celui-ci, pour se débarrasser de lui, répondit :
— Si ton âne, en montant une côte, se met à braire et lâche un pet, la moitié de ton âme s’échappera, s’il en lâche un second, ton âme tout entière s’éloignera de toi.
Un peu plus tard, Nasr Eddin monta sur son âne et s’en alla. Dans la côte, son âne se mit à braire et lâcha un premier pet. Au second pet, Nasr Eddin se jeta à terre en disant :
— Je suis mort.
Des gens se rassemblèrent autour de lui, apportèrent un cercueil, l’y placèrent et se préparèrent à le porter chez lui. En route ils s’arrêtèrent devant une énorme flaque de boue qui les empêchait de continuer leur chemin. Nasr Eddin souleva alors sa tête hors du cercueil.
— Quand j’étais vivant, dit-il, je passais par l’autre chemin.