Contes
Europe de l'Ouest

Les Fées

level 2
Difficulté **

IL ÉTAIT UNE FOIS…
… une veuve qui avait deux filles : l’aînée lui ressemblait si fort, le même charactère et le même visage, que quand on la voyait, on voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si méchantes, qu’on ne pouvait pas vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son père pour la douceur et l’honnêteté, était une des plus belles filles qu’on ait pu voir. Comme on aime naturellement ceux qui nous ressemble, cette mère était folle de sa fille aînée, et en même temps avait un dégout incroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse. Il fallait aussi, que cette pauvre enfant aille deux fois par jour, puiser de l’eau très loin de la maison, et qu’elle rapporte une grande cruche pleine.
Un jour à cette fontaine, une pauvre femme arriva et lui demanda de lui donner à boire.
« Bien sûr, madame », dit la jeune fille ; et, rinçant sa cruche, elle puisa de l’eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant la cruche, pour qu’elle boive plus facilement. La femme, ayant bu, lui dit :
« Vous êtes si belle, si gentille et si honnête, que je ne peux pas m’empêcher de vous faire un cadeau (car c’était une fée qui avait pris la forme d’une pauvre femme de village, pour voir jusqu’où irait la gentillesse de cette jeune fille). « Je vous donne, poursuivit la fée, le don qu’à chaque fois que vous parlerez, une fleur ou une pierre précieuse vous sortira de la bouche. » Lorsque la jolie fille arriva à la maison, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine.
« Je vous demande pardon, ma mère, d’être en retard », dit cette pauvre fille, et, en disant ces mots, deux roses, deux perles et deux gros diamants sortirent de sa bouche.
« Qu’est-ce que je vois ! dit sa mère tout étonnée ; je crois qu’il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D’où vient cela, ma fille ? » (Ce fut la première fois qu’elle l’appela sa fille.) La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, tout en jetant une infinité de diamants.
« Vraiment, dit la mère, il faut que j’y envoie ma fille. » « Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur quand elle parle ; ne seriez-vous pas heureuse d’avoir le même don ? Vous n’avez qu’à aller puiser de l’eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien gentiment. » – « Cela m’étonnerait, répondit la fille en colère, je ne veux pas aller à la fontaine ! » – « Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout de suite. » Elle y alla, mais toujours en boudant. Elle prit le plus beau flacon d’argent de la maison. À peine arrivée à la fontaine, elle vit sortir du bois une dame magnifiquement habillée, qui lui demanda à boire. C’était la même fée qui était apparue à sa sœur, mais qui avait pris l’air et les habits d’une princesse, pour voir jusqu’où irait la méchanceté de cette fille.
– Je ne suis pas venue ici pour vous donner à boire, lui dit cette cruelle fille. J’ai apporté un flacon d’argent exprès pour donner à boire à une pauvre femme ! Si vous voulez mon avis : buvez directement à la fontaine.
– Vous n’êtes pas honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! puisque vous êtes si peu serviable, je vous donne pour don qu’à chaque fois que vous parlerez, un serpent ou un crapaud vous sortira de la bouche. »
Quand sa mère l’aperçut, elle lui cria :
– Eh bien ! Ma fille ?
– Eh bien ! Ma mère ? lui répondit la fille agressive, en jetant deux vipères et deux crapauds. – Ô ciel ! s’écria la mère, que vois-je là ? C’est la faute de sa sœur : elle me le paiera » ; et aussitôt elle courut pour la punir. La pauvre enfant s’enfuit et alla se sauver dans la forêt toute proche. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra et, la voyant si belle, lui demanda ce qu’elle faisait là toute seule et pourquoi elle pleurait.
– Oh ! Monsieur, c’est ma mère qui m’a chassée de la maison. »
Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, lui demanda de lui dire d’où cela venait. Elle lui raconta toute son aventure. Le fils du roi tomba amoureux d’elle, l’emmena au palais de son père le roi, où il l’épousa.
Sa sœur, elle, a été tellement méchante, que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après avoir couru sans trouver personne qui voulût la recevoir, disparu au coin d’un bois.

MORALITÉ
Les diamants et les pièces,
Ont une grande influence sur les esprits ;
Cependant les paroles gentilles et honnête
Ont encore plus de force, et ont plus de valeur.