Contes
Asie

Le Chat et le Perroquet

level 2
Difficulté **
Thèmes : Animaux

Résumé : Le chat est invité chez le perroquet, il mange tout le repas sans rien laisser. Mais il a encore faim et mange le perroquet. Mais il a encore faim et mange une vieille dame, mais il a encore faim et mange un homme avec son âne, mais il a encore faim…

Il y avait une fois un chat et un perroquet. Ils étaient convenus de s’inviter mutuellement à dîner ; chacun à son tour. Le chat devait commencer. Or il était très avare. Il ne mit rien sur la table qu’un litre de lait, un petit morceau de poisson et un biscuit. Le perroquet était trop poli pour se plaindre, mais il n’était pas trop content.
Quand ce fut son tour d’inviter le chat, il prépara un très bon dîner. Il fit rôtir une longe de veau, cueillit une corbeille de fruits, remplit une théière de thé et, mieux encore, fit cuire toute une quantité de gâteaux, de jolis petits gâteaux ronds, bruns et croquants. Il y en avait cinq cents ! plein une corbeille à lessive. Et il mit quatre cent quatre-vingt-dix-huit gâteaux devant le chat en n’en gardant que deux pour lui-même.
Bien. Le chat mangea le rôti et but le thé. Il suça les fruits, puis il attaqua la pile de gâteaux. Il les mangea tous, tous les quatre cent quatre-vingt-dix-huit !Après quoi, il se tourna vers le perroquet et dit :
— J’ai faim. N’avez-vous rien d’autre à manger ?
— J’ai mes deux gâteaux, dit le perroquet, qui avait été si étonné de le voir faire qu’il n’avait pas songé à les goûter. Si vous les voulez ?
Le chat mangea les deux gâteaux, puis, se léchant les babines, il dit :
— Je commence à me sentir en appétit. N’avez-vous rien d’autre à manger ?
— Vraiment ! dit le perroquet, qui commençait à se fâcher, je ne vois rien de plus, à moins que vous ne me mangiez moi-même !
À peine avait-il fini de parler que le chat se lécha les babines, ouvrit la bouche et slip, slop, gobe, gobé ! dans son gosier passa le perroquet.
Une vieille femme, qui les avait servis et qui avait été très choquée de la conduite du chat, se mit à dire :
— Chat ! chat ! comment avez-vous pu manger votre ami le perroquet ?
— Perroquet ! vraiment ! dit le chat. Qu’est-ce que c’est qu’un perroquet, pour moi ? J’ai bien envie de vous manger aussi ! Et slip, slop, gobe, gobé ! dans son gosier passa la vieille femme.
Puis il descendit dans la rue, en se rengorgeant, bien qu’il n’y eût pas de quoi.
Il rencontra un homme qui conduisait un âne et qui lui dit :
— Passez de côté, Minet, je suis pressé, et mon âne pourrait vous marcher dessus.
— Âne, vraiment ! dit le Chat. Qu’est-ce que c’est qu’un âne, pour moi ? J’ai mangé cinq cents gâteaux, j’ai mangé mon ami le perroquet, j’ai mangé une vieille femme ; pourquoi est-ce que je ne mangerais pas aussi un bonhomme et son âne ? Et slip, slop, gobe, gobé ! le bonhomme et son âne passèrent dans le gosier du chat.
Alors il continua son chemin, en se rengorgeant, comme ça. Un peu plus loin, il rencontra la noce du roi. Le roi marchait en avant, avec des habits neufs, en conduisant sa nouvelle épouse, et derrière lui venaient ses soldats ; puis une quantité d’éléphants alignés deux par deux. Le roi était de très bonne humeur parce qu’il venait de se marier, et il dit au chat.
— Passez de ce côté, Minet ; mes éléphants pourraient vous écraser.
— Écraser, vraiment ? dit le chat en se redressant. Ho ! ho ! j’ai mangé cinq cents gâteaux, j’ai mangé mon ami le perroquet, j’ai mangé une vieille femme, j’ai mangé un bonhomme et son âne. Pourquoi est-ce que je ne mangerais pas un misérable roi et sa suite ?
Et slip, slop, gobe, gobé, le roi et la reine, tous les soldats et tous les éléphants passèrent dans le gosier du chat.
Puis il continua son chemin, pas trop vite, car il était réellement rassasié, pour une fois. Mais, un peu plus loin, il rencontra deux crabes tourteaux, trottant de côté aussi vite qu’ils pouvaient.
— Passez de l’autre côté, Minet ! crièrent-ils.
— Ho ! ho ! ho ! s’écria le chat d’une voix terrible. J’ai mangé cinq cents gâteaux, j’ai mangé mon ami le perroquet, j’ai mangé une vieille femme, j’ai mangé un bonhomme et son âne, le roi, la reine, les soldats et les éléphants. Je vais vous manger aussi !
Et slip ! slop ! gobe, gobé ! les deux crabes tourteaux passèrent dans le gosier du chat.
Quand ils furent arrivés tout en bas, ils regardèrent autour d’eux. Il faisait très noir, mais au bout d’un moment ils purent voir le pauvre roi assis par terre dans un coin, sa reine dans ses bras, parce qu’elle s’était évanouie. Près de lui étaient les soldats, se marchant sur les pieds ; puis les éléphants, qui essayaient de s’aligner deux par deux, mais ils ne pouvaient pas, parce qu’il n’y avait pas assez de place. Dans le coin opposé se tenait la vieille femme, et, à côté, le bonhomme et son âne. Dans le troisième coin, il y avait une grande pile de gâteaux, et, tout en haut, le perroquet était perché, ses plumes toutes hérissées :
— Frère, mettons-nous à l’ouvrage, dirent les crabes tourteaux. Et snip, snap, snip, snap, ils commencèrent à faire un petit trou dans le côté du chat, avec leurs pinces ; snip, snap, snip, snap, jusqu’à ce que le trou fût assez grand pour qu’on pût passer au travers. Alors, ils sortirent. Et après eux marcha le roi, portant son épouse, puis les soldats, puis les éléphants, deux par deux ; puis le bonhomme et son âne, puis la vieille femme, et enfin le perroquet, tenant un gâteau dans chaque patte. (Vous savez, il n’en voulait rien que deux !)
Et le chat dut passer tout le reste de la journée à recoudre le trou dans son côté. Cela lui apprendra à être si glouton !

Sara Cone Bryant, Comment raconter des histoires à nos enfants, Paris, Fernand Nathan, 1926.

Conte de randonnée

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