Contes
Europe de l'Ouest

Le Quesne au Leu

level 2
Difficulté **
Thèmes : Animaux Ruse

Résumé: C’est l’histoire d’un loup qui en poursuivnt sa proie, s’accrocha au lierre d’un grand chêne dans un lieu que l’on appelait Quesne au leu. Alors qu’un homme passa par là, il appela à l’aide. Luin promettant de ne pas le manger, l’homme accepta de le descendre de l’arbre. Mais aussitot que le loup se fu remis, il commença à lorgner d’un oeil gourmand son sauveur. Celui-ci le vit et trouva celà fort injuste. Ils prirent à parti une chienne pour lui demander son avis sur l’affaire. Celle-ci venait de se faire mettre à la porte et refusea donc de juger. La jument fit de même. Enfin, le renard, lui accepta de réfléchir mais demanda à voir comment le loup avait fait pour s’accrocher dans l’arbre. Ils retournèrent sur place et le loup fit sa démonstration. à nouveau piégé, cette fois, l’homme le lissa là. Le lendemain, il piégea le renard aussi.

Dans le temps, au bas du mont de Péruwelz, du côté qui regarde la Belgique, il y avait, dans la vallée, un gros chêne entouré de lierre, qu’on appelait le Quesne au leu. Ce chêne s’élevait tout contre la pente raide, et si près du haut de la butte, qu’on pouvait de marcher dans son branchage. Un matin, il arriva une chose extraordinaire et vraiment incroyable. En poursuivant un lièvre, un loup trop bien lancé, sauta de la colline à l’arbre et se prit la patte de derrière dans les tiges du lierre, resta suspendu la tête en bas et, malgré tous ses efforts, ne réussit pas à se libérer. A cette époque, on n’allait pas encore en pèlerinage à Notre-Dame de Bon-Secours, le mont de Péruwelz était désert et il n’y avait personne. Le pendu resta là pendant au moins deux heures, et ses intestins criaient dans son ventre comme des cailloux dans une brouette, lorsqu’il crut entendre du bruit au loin. Il approcha son museau de ses deux pattes de devant, rassembla ses forces et cria : Au secours !  

II  

L’homme, car c’en était un, accourut et, voyant le pauvre animal en si triste état, il s’éclaffa de rire.  

— Qu’est-ce qu’on dirait bien que tu fais là, fieu, demanda-t-il, et depuis quand les loups grimpent-ils aux arbres pour se pendre ?  

— Je ne l’ai pas fait exprès, répondit le loup. C’est en poursuivant ce chenapan de putois qui ravage tout le pays. Je suis tombé dans l’arbre, et ma patte s’est accrochée à ces maudites branches.  

— Il faut avouer, fieu, que tu n’as pas l’air fier comme ça.  

— Je ne dis pas le contraire, mais dégagez-moi au plus vite, je vous prie ; sinon, je suis un loup perdu.  

— Et qui m’assure qu’une fois libéré, tu n’auras pas envie de me manger ?  

— Oh ! pour qui me prenez-vous ? Je ne mange d’ailleurs que les animaux ennuyants : les putois, les fouines, les belettes. À la place de blesser l’homme, je lui rends au contraire les plus grands services.  

— Qu’est-ce que ça peut me faire ? Je n’ai ni poulailler, ni bergerie ; je ne suis qu’un pauvre fermier.  

— Fermier ! Ah ! mais je vous reconnais ! C’est vous qui demeurez à la Cigogne, tout contre le gros Médard, le berger. Dépendez-moi, et je vous promets de ne jamais toucher aux moutons de Médard.  

— Ça m’est égal. Il travaille assez son champ avec ses moutons, le gros Médard.  

— Ah ! Comme ça se trouve ! moi qui devais aller justement du côté de sa bergerie voir de quoi il s’agit !  

— Me promets-tu que tu ne me mangeras pas ? 

— Juré craché ! Et de sa patte libre le loup se toucha le museau, comme c’est l’habitude chez nous. Le bon fermier le dépendit. Une fois à terre, l’animal bâilla, s’étira, lécha sa patte endolorie, essaya quelques pas et parvint enfin à marcher. Les deux amis se dirigèrent vers le village de la Cigogne.  

III  

Au bout d’un petit quart d’heure, sentant sa patte tout à fait soignée, le loup commença de regarder son sauveur d’un œil gourmand.  

— Sais-tu, fieu, que tu es bel homme, lui dit-il, et que tu te nourris bien à la Cigogne, si j’en juge par ton ventre?  

— Heu ! heu ! fit son compagnon.  

— Un homme superbe… gros comme un moine de l’abbaye de Crespin !… et j’ai une faim !  

— Ah çà ! pas de plaisanterie, mon ami ! Tu sais ce que tu m’as promis.  

— Je sais, je sais… mais mon estomac n’est pas content du tout. Il résonne si fort que je n’entends plus la voix de ma conscience. Je crois bien que je ne vais pas tenir ma parole.  

— Ne fais pas ça, fieu. Et la reconnaissance ? moi qui t’ai sauvé la vie ! Voilà, en vérité, qui n’est pas juste, et il n’y a au monde qu’un loup méchant pour avoir une pareille idée.  

— Tu crois ?  

— Bien sûr. Prenons, si tu veux, pour arbitre cette chienne qui vient de ce côté en boitant. C’est une chienne âgée ; ce doit être une chienne avec expérience.  

— Soi t! parlons lui, mais dépêchons nous. Et ils arrêtèrent la chienne.  

IV 

— Madame la chienne, dit le fermier, voici un loup qui était pendu par la patte au chêne du mont de Péruwelz. Il y aurait certainement perdu la vie, si je ne l’avais dépendu. Et maintenant, pour ma peine, il veut me manger. Est-ce juste ?  

— Vous tombez mal, répondit la chienne. Je ne suis pas en état de vous juger; j’ai bien servi mon maître jusqu’aujourd’hui, et voilà que, sur mes vieux jours, il me jette à la porte pour ne plus avoir à me nourrir! Cherchez donc ailleurs quelqu’un pour vous juger. Et la chienne s’en alla.   

— Parbleu ! dit le fermier, je l’ai reconnue; c’est la chienne du gros Médard. Puisqu’elle refuse,   veux-tu que nous présentions le cas à cette jument qui broute l’herbe là-bas dans les prés ?  

— Soit ! Mais faisons vite, répondit le loup en aiguisant ses dents.  

V  

Ils appelèrent la jument et l’homme lui expliqua l’affaire.  

—Vous tombez on ne peut plus mal, répondit la jument. J’ai usé ma vie à travailler la terre pour mon maître et, maintenant que je ne suis plus bonne à rien, il parle de mettre fin à mes jours. Je serais donc un mauvais juge de votre histoire.  

— Eh bien ! qu’en dis-tu? fit le loup.  

— Ces domestiques ne sont jamais contents, répondit le fermier. Tiens ! voici un renard qui sort de son terrier. Appelons-le ; c’est un animal libre; il nous jugera en toute liberté.  

— Je veux bien consulter encore celui-là, mais je te préviens que le ventre vide et les dents qui s’allongent, qui s’allongent !… Si le renard te condamne, je te promets que tu y passeras ! Ils crièrent au renard de venir, et l’homme encore une fois posa la question.  

VI  

Le renard se concentra un moment.  

— Je comprends, dit-il enfin, l’appétit du loup, car il faut avouer, mon bonhomme, que tu es un beau morceau.  

— N’est-ce pas ? fit le loup charmé de ce début.  

— Mais, je l’avoue, je ne comprends pas bien comment on peut se pendre par la patte à des branches. Je ne pourrais dont vous juger sans avoir vu de mes veux comment les choses se sont passées. Emmenez-moi au mont de Péruwelz.  

— Je veux bien, dit le loup. Quand ils furent sur le mont de Péruwelz, à portée du chêne, et que le renard eut longtemps regardé l’arbre :  

— En vérité, dit-il en se grattant l’oreille, je ne comprends toujours pas comment le loup a pu faire pour se pendre.  

— C’est pourtant bien simple, répondit le loup sans peur ; j’ai fait comme ça. Il sauta dans l’arbre.  

— Et puis ? dit le renard.  

— Et puis comme ça, dit le loup, et il mit sa patte de derrière dans les branches.  

— Et puis ? dit le renard.  

— Et puis comme ça, dit le loup, et il se laissa tomber la tête en bas.  

— C’est comme ça que tu étais pendu ?  

— Oui, fieu.  

— Eh bien ! restes-y, fieu, dit le renard.  

— Superbe jugement ! jugement admirable ! s’écria le fermier heureux.  

— Oh ! dit le renard, ce n’est pas bien compliqué. Le loup n’est qu’un imbécile. Je le lui avais prédit qu’un jour ou l’autre il lui arriverait malheur.  

— C’est juste. Je te dois tout de même une fière chandelle, et je tiens à te prouver ma reconnaissance.  

— Il n’y a pas de quoi.  

— Si, si, fieu. Attends-moi ici demain matin ; je t’apporterai deux poules.  

— Grasses ? demanda le renard en se léchant les babines.  

— Grasses! dit l’homme.  

— C’est bon, j’y serai. Et les nouveaux amis se séparèrent.  

VII  

Le lendemain, le fermier arriva avec un grand sac. Maître renard l’attendait sous le chêne où le loup pendait.  

— Ouvre le sac, fit l’homme, et tu m’en diras des nouvelles. Le renard l’ouvrit, et il en sortit un gros chien qui étrangla maître renard. Le chêne prit le nom de Quesne au leu, et c’est depuis lors qu’on dit chez nous comme proverbe : Faites du bien à un baudet, Il vous rue au nez. Ou que ça ne sert à rien de faire plaisir à quelqu’un qui n’a rien demandé.