Contes
Europe de l'Ouest

Cendrillon

level 3
Difficulté ***

Résumé: C’est l’histoire de Cendrillon, jeune fille que la belle-mère n’aime pas et qui lui fait faire toutes les corvées de la maison, mais qui est quand même d’une grande bonté et d’une grande beauté. Un jour, le Roi organise un bal afin de trouver une femme à son fils et invite toutes les jeunes filles. Les deux belles-sœurs de Cendrillons sont toute en joie, et Cendrillon les aide à trouver leur plus belle robe, et à se faire les plus belles coiffures. Elles s’en vont au bal et Cendrillon pleure de ne pas pouvoir y aller. Grâce à sa marraine la bonne fée, elle est parée de la plus belle robe, de chaussons de verres et a un carrosse pour y aller quand même. Elle va au bal et le prince est sous le charme. Ses belles-sœurs ne la reconnaissent même pas. Elle doit s’enfuir avant minuit ou sinon le charme est rompu, et dans sa fuite, elle laisse tomber l’une de ses pantoufles de verre. Le prince, amoureux annonce partout dans le royaume qu’il épousera celle à qui va cette pantoufle. Un homme vient faire essayer la pantoufle aux deux belles-sœurs, puis à Cendrillon, qui révèle avoir l’autre pantoufle. Elle épousa le prince et fit venir ses sœurs au château.

IL ÉTAIT UNE FOIS… 

… un homme bon et riche qui, après le décès de sa première femme, épousa une dame, la plus méchante et la plus arrogante qu’on eût jamais vue. Elle avait deux filles qui lui ressemblaient parfaitement. Le mari avait, de son côté, une jeune fille, d’une douceur et d’une gentillesse sans comparaison : elle tenait cela de sa mère, qui était la meilleure personne du monde. Une fois mariés, la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur ; elle ne put supporter les belles qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus détestables. Elle la chargea des corvées les plus difficiles de la maison : c’était elle qui nettoyait la vaisselle et les escaliers, qui frottait les chambres. Elle dormait tout en haut de la maison, dans le grenier, sur un lit inconfortable, pendant que ses sœurs étaient dans des chambres luxueuses, où elles avaient des lits à la mode, et des miroirs où elles se voyaient des pieds jusqu’à la tête. La pauvre fille acceptait tout avec patience, et n’osait pas se plaindre à son père qui l’aurait grondée, parce que sa femme le dirigeait entièrement. Lorsqu’elle avait fini son travail, elle allait se mettre dans un coin de la cheminée et s’asseyait dans les cendres, ce qui faisait qu’on l’appelait couramment Cendresouillon. La cadette, qui n’était pas aussi méchante que son aînée, l’appelait Cendrillon. Cendrillon, même avec de laids habits, était toujours cent fois plus belle que ses sœurs.  

Un jour, le fils du roi a organisé un bal, et invité toutes les personnes de la société. Nos deux demoiselles étaient aussi invitées car elles étaient importantes dans le pays. Elles étaient très excitées et occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur iraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c’était elle qui repassait le linge de ses sœurs. On ne parlait que de la manière dont on s’habillerait.  

Moi, dit l’aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et mon ensemble d’Angleterre. – Moi, dit la cadette, je n’aurai que ma jupe ordinaire ; mais en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d’or, et mon collier de diamants.  

On envoya chercher la bonne coiffeuse, pour coiffer les cheveux de la plus belle des manières. Elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait bon goût. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et proposa même de les coiffer ; ce qu’elles acceptèrent. En les coiffant, elles lui disaient :  

Cendrillon, aimerais-tu aller au bal ? – Oh, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi. Ça ne me conviendrait pas. – Tu as raison, on rirait si on voyait une souillon aller au bal.  

Cendrillon aurait pu les coiffer de travers ; mais elle était gentille : elle les coiffa parfaitement bien. Elles sont restées près de deux jours sans manger, tant elles étaient pleines de joie. Plus de douze lacets ont cassés à force de serrer les corsets qui devaient leur rendre la taille plus fine, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin, l’heureux jour arriva ; elles sont parties, et Cendrillon les a suivies des yeux le plus longtemps qu’elle a pu. Lorsqu’elle ne les a plus vues, elle s’est mise à pleurer.  

Sa marraine, qui la voyait en pleurs, lui a demandé ce qu’elle avait :  

Je voudrais bien… je voudrais bien…  

Elle pleurait si fort qu’elle n’arrivait pas à terminer. Sa marraine, qui était une fée, lui dit :  

Tu voudrais bien aller au bal, n’est-ce pas ? – Oh oui, dit Cendrillon en soupirant. – Eh bien, Tu es si gentille, dit sa marraine, je te ferai y aller.  

Elle lui dit :  

Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille.  

Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu’elle put trouver, et l’apporta à sa marraine, ne sachant pas comment cette citrouille pourrait la faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et, ne laissant que l’écorce, la frappa de sa baguette magique. La citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite, elle alla regarder dans son piège à souris, où elle trouva six souris ; elle dit à Cendrillon de lever la trappe, et elle donna un coup de baguette à chaque souris qui sortait. La souris était aussitôt changée en un beau cheval, ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d’un beau gris souris pommelé. 

Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a pas un rat dans le piège, nous en ferons un cocher. – Tu as raison, dit sa marraine, va voir.  

Cendrillon lui apporta la boîte, où il y avait trois gros rats. La fée en a pris un, l’a touché et l’a changé en un gros cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu’on n’ait jamais vues. Ensuite, elle lui dit :  

Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l’arrosoir, apporte-les-moi.  

Dès qu’elle les apporta, la marraine les changea en six serviteurs, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits colorés, et s’y tenaient, comme s’ils n’avaient jamais fait autre chose de toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon :  

Eh bien, voilà de quoi aller au bal, n’es-tu pas bien contente ? – Oui, mais est-ce que j’irai comme cela, avec mes vilains habits ?  

Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses vêtements furent changés en tissus d’or et d’argent, tout décorés de bijoux ; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Une fois bien habillée, elle monta dans le carrosse. Sa marraine lui recommanda de ne surtout pas rentrer après minuit, l’avertissant que si elle restait trop longtemps au bal, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses serviteurs des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur forme. Elle promit à sa marraine qu’elle quitterait le bal avant minuit. 

Le fils du roi, qu’on était allé prévenir de l’arrivée d’une grande princesse qu’on ne connaissait pas, accouru pour la recevoir. Il lui donna la main pour descendre du carrosse, et la mena dans la salle principale. Il y eu alors un grand silence ; on cessa de danser, et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler la grande beauté de cette inconnue. On n’entendait qu’un bruit confus :  

Ah, qu’elle est belle !  

Même le roi, aussi vieux qu’il était, n’arrêtait pas de la regarder, et de dire tout bas à la reine qu’il y avait longtemps qu’il n’avait plus vu une si belle et si gentille personne. Toutes les dames étaient attentives à sa coiffure et ses habits, pour pouvoir peut-être acheter les mêmes dès le lendemain. Le fils du roi la mise à la meilleure place, et l’invita ensuite à danser. Elle dansa avec tant de grâce, qu’on l’admira encore plus. On apporta un bon repas, que le jeune prince ne mangea même pas, tant il était occupé à l’admirer. Elle alla s’asseoir auprès de ses sœurs, et leur parla de plein de choses, ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient pas. Pendant qu’elles discutaient, Cendrillon a entendu sonner onze heures trois quarts : elle a aussitôt fait une grande révérence à la compagnie, et elle est partie le plus vite qu’elle pouvait. Dès qu’elle est arrivée, elle est allée trouver sa marraine, et après l’avoir remerciée, elle lui dit qu’elle souhaiterait bien retourner le lendemain au bal, parce que le fils du roi le lui avait demandé. Pendant qu’elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s’était passé au bal, les deux sœurs frappèrent la porte ; Cendrillon alla leur ouvrir.  

Que vous avez mis longtemps à revenir ! leur dit-elle en bâillant, en se frottant les yeux, et en s’étendant comme si elle venait de se réveiller ; elle n’avait cependant pas dormi depuis qu’elles s’étaient quittées.  

Si tu étais venue au bal, lui dit une de ses sœurs, tu ne t’y serais pas ennuyée : la plus belle des princesses y est venue, la plus belle qu’on puisse jamais voir ; elle nous a fait mille politesses, elle nous a donné des oranges et des citrons.  

Cendrillon leur a demandé le nom de cette princesse ; mais elles lui ont répondu qu’on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort triste, et qu’il donnerait tout pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit :  

Elle était donc belle ? Ne pourrais-je pas la voir ? Mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours. – Non, dit mademoiselle Javotte, il faudrait que je sois bien folle pour vous prêter mon habit.   

Cendrillon s’attendait bien à ce refus, et elle en était bien contente, car elle aurait été très gênée si sa sœur avait bien voulu lui prêter sa robe. Le lendemain, les deux sœurs étaient au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus belle que la première fois. Le fils du roi était toujours auprès d’elle. La jeune demoiselle ne s’ennuyait pas, et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé. Alors qu’elle ne pensait pas qu’il était déjà onze heures, elle entendit sonner le premier coup de minuit, : elle s’est levée et enfuie aussi légèrement qu’aurait fait une biche. Le prince la suivie, mais il ne pouvait pas l’attraper. En partant, elle a laissé tomber une de ses pantoufles de verre, que le prince a ramassé très soigneusement. Cendrillon est arrivée chez elle essoufflée, sans carrosse, sans serviteurs, et avec ses habits habituels. Il ne restait rien de sa magnificence à part une seules de ses petites pantoufles. On demanda aux gardes de la porte du palais s’ils n’avaient pas vu sortir une princesse ; ils dirent qu’ils avaient vu sortir une jeune fille fort mal habillée, et qui avait plus l’air d’une paysanne que d’une demoiselle. Quand ses deux sœurs sont revenues du bal, Cendrillon a demandé si elles s’étaient encore bien amusées, et si la belle dame était revenue. Elles lui ont répondu que oui, mais qu’elle s’était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si vite qu’elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre. Le fils du roi l’avait ramassée, et il n’avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal. Il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle. Elles disaient vrai, car peu de jours après, le fils du roi a fait annoncer à la ville, au son des trompettes, qu’il épouserait celle dont le pied rentrerait dans la pantoufle. On a commencé à la faire essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On l’a apportée chez les deux sœurs, qui ont fait tout leur possible pour entrer leur pied dans la pantoufle, mais elles n’y arrivaient pas. Cendrillon qui les regardait, et qui avait reconnu sa pantoufle, dit en riant :  

Voyons voir si elle me va !  

Ses sœurs ont commencé à rire et à se moquer d’elle. Le prince, qui faisait l’essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant très belle, dit que cela était juste, et qu’il avait ordre de l’essayer à toutes les filles. Il a fait asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il a vu qu’elle y rentrait facilement le pieds. Les deux sœurs étaient très étonnées, et l’ont été encore plus quand Cendrillon a tiré de sa poche l’autre petite pantoufle qu’elle a mis à son pied. Là-dessus sa marraine la fée est arrivée, et en donnant un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les a fait redevenir encore plus magnifiques que tous les autres. Alors ses deux sœurs ont reconnu la belle dame qu’elles avaient vue au bal. Elles se sont jetées à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu’elles lui avaient fait subir. Cendrillon les a relevées, et leur dit, en les embrassant, qu’elle leur pardonnait de bon cœur, et qu’elle voudrait qu’elles s’aiment pour toujours. On a mené Cendrillon chez le jeune prince, habillée comme elle était : il la trouvait encore plus belle que jamais, et, peu de jours après, il l’a épousée. Cendrillon, qui était aussi gentille que belle, a fait loger ses deux sœurs au palais, et a organisé leurs mariages le jour même à deux grands seigneurs de la cour.  

MORALITÉ  

La beauté est un trésor rare,  
Qu’on ne se lasse jamais d’admirer ;  
Mais ce qu’on nomme bonne grâce  
Est sans prix, et vaut mieux encore  
C’est ce que sa Marraine a appris à Cendrillon, 
En l’habillant, en l’éduquant,  
Tant et si bien qu’elle en fit une Reine.  
Belles, ce don vaut mieux que d’être bien coiffées,  
Pour engager un cœur, pour en venir à bout,  
La bonne grâce est le vrai don des fées ;  
Sans elle on ne peut rien, avec elle, on peut tout.